Emission Mavrica : Sujet : Voyage en train

D'escaliers en couloirs j'ai suivis le courant des voyageurs, maintenant je pose le pied sur la bête vibrante à peine domptée, étourdie que je suis des bruits de la gare, je ne suis plus moi-même, dépossédée d'humanité par le nombre dans la nasse.

Ne rien oublier, vérifier en arrière qu'aucune valise ne joue la rebelle solitaire, regarder son billet, encore vérifier, re-vérifier, sur-vérifier, la bonne voie, le bon sens, choix de la place, pas le couloir, tous les trains ont une rangée de sièges couloir qui ne seraient utiles qu'aux sacs à jeux, livres, papier à lettre. Place trouvée.

Je me pose, je m'installe, je recouvre ma personnalité, je redeviens « je ».Par la vitre je peux compatir aux victimes perdues dans le piège des quais.

La bête frémit, ses orifices se bouchent, elle fait la sourde aux retardataires, nous sommes à elle.

A partir de maintenant nos corps n'ont plus le libre choix que de suivre son rythme effréné à travers la ville, puis la campagne.

Je visite la France comme un film en accéléré sans les inconvénients des échanges sociaux, la tête dans le pays j'échange à vitesse sur-humaine avec le monde, je suis cent vies en deux heures, mieux qu'à la télévision. Puis le cœur plein et la tête qui bourdonne, je vais sortir de la bête qui s'ébroue après sa folle chevauchée et me perdre dans le nombre des inconnus qui ne font qu'une masse mouvante se déversant dans la nouvelle ville.

Fin du voyage, l'air a changé, j'ai changé aussi, enrichie de ces heures de paysages qui me remémorent pourquoi j'y suis attachée. Le grand pouvoir des railles est de vous ramener à vous même.