Erreur de jugement

 Dans ce monde où le danger est sous jacent, même des photographies d'un herbier en pleine journée peuvent tourner au vinaigre. C'est une belle orchidée, une Ophrys Apifera Huds qui se laisse saisir par mon canon -non je ne connais pas les noms des plantes, mais c'est plus simple quand le réseau vous donne la réponse, et pourquoi ne pas en profiter ?- Ces orchidées sont de toute petite taille, j'utilise donc l'objectif à macro. Absorbée je n'entends pas les pas dans mon dos, c'est la journée, il y a du monde, des chiens, deux au moins sont déjà passés derrière moi, je ne me méfie pas, j'ai du l'entendre, mon esprit l'a rangé dans les choses "pas dangereuses", l'appareil fait un bruit lugubre en atterrissant avec moi au sol, j'ai été poussée violemment, je suis à plat ventre j'essaie de me retourner de me dégager, les sangles de mes appareils m'entravent la veste, ce poids sur mes hanches, je concentre toute ma peur et ma colère, cette humiliation dans mon ventre je pousse sur mes bras l'autre tombe surpris, je suis sur mes pieds, mes pattes, on n'est pas proche du soir, je ne devrais pas me transformer, j'entends mes os craquer, ma chair, mes muscles se tordent je suis dans un buisson, je me retiens pour ne pas hurler, je cherche mon agresseur, elle est là, la chienne de grande taille avec un rictus, ce rictus qu'utilise les chiens heureux, mais dans ses yeux c'est une intelligence toute autre. Elle sait qu je ne peux pas sortir comme ça, je recule, elle me bondit dessus, je frappe, elle plonge dans les buissons. Elle fuit vers le bois, il n'y aura pas de monde ici, je la suis, j'écarte d'un bras les branches, son odeur est très vive, poivrée, charnue, provoquante, je cours je cours je ne perds pas sa trace, soudain je dérape et glisse, une vive douleur au bras droit, une vive douleur à la hanche, la tête, les pattes avant, la tête de nouveau puis je perds le compte.

Quand je reviens à moi il fait nuit, je suis nue, j'ai mal et il y a une cascade souterraine tout près. Je réfléchis à ce qu'il s'est passé, je me souviens d'une piqure, je suis toujours sous forme de louve garoue, le bon côté c'est que je vais régénérer. Le mauvais côté c'est qu'il faudra du temps. L'odeur d'une meute différente de la mienne m'incite à me taire. Je flaire tente de me déplacer, c'est possible, rien de casser cette fois; un miracle.

Une main-patte sur la roche à droite, c'est de la roche, un trou naturel, où vat-il déboucher, elle renifle, l'odeur des autres s'amenuise, ici c'est une odeur d'humain, une vieille odeur humide.