La troisième lune

 C'est l'automne, depuis le fleuve la brume grignotte les rues. C'est le soir, l'humidité parvient aux chevilles avant la nappe blanche. Elle frissonne pourtant elle n'a pas froid. C'est la pleine lune, elle se lèvera bientôt, un peu de patience. 

 Le médecin lui a dit de ne pas sortir, elle ne maitrise pas assez ses émotions. Elle lui a demandé pourquoi, pourquoi devrait-elle se maitriser ? Il n'a pas répondu. Elle a cru percevoir de la tristesse.

 Ce soir la nature est encore plus présente dans la ville, les arbres laissent à regret leurs dernières feuilles s'écouler, l'air est mou.

 Un râle, les os craquent, ça commence, la colère, l'ivresse des sens permettent de mieux supporter la transformation, elle s'est arrêté près du fleuve, sur la rive, en bas, sous le pont, la pierre est fraiche, c'est un répis, les odeurs l'assaillent, odeurs de misères, de maladies et d'abandons.

 Elle court se laisse emporter le rythme de ses pattes, ses battements de coeur, l'air qui s'engouffre en elle, son esprit tourbillonne comme les feuilles sèches, elle fond dans la nuit, ses foulées sont plus légères, la chasse commence.

 Il fait froid, elle s'enfonce dans la couette, la remonte sur ses yeux blessés par la lumière orangée d'un soleil levant. Les appareils dans la cuisine cliquettent les programmes se lancent, une odeur de café et de tartines grillées l'invitent à entâmer la journée.

 Elle sourit.